Un FRANÇAISE qui a grandement œuvré pour le PEUPLE VIETNAMIEN

Traduction par DEJEAN DE LA BÂTIE MAURICE1
Origine vietnamienne:  DINH NAM2

    Il y a 30 ans, à l’École des Travaux Publics de Hanoi, on était étonné de voir un étudiant Français porter un nom vietnamien: NGUYỄN-LIÊN.

 … une dépendance de l’Université, mais cette École est une école de spécialisation et peu d’étudiants cherchaient à la suivre; au début, la majorité des étudiants qui y entraient étaient issus de la deuxième ou de la troisième année des Écoles Primaires Supérieures, – à condition qu’ils se spécialisent et sont forts en mathématique, ils étaient assurés d’être admis au concours.

    Pour ces raisons, le niveau des étudiants de l’École des Travaux Publics était plus faible que celui des étudiants d’autres branches universitaires, où, dès la création de l’Université, les étudiants devaient, pour pouvoir participer au concours, au moins être pourvus du Diplôme Terminal ou du Diplôme d’Etudes Primaires Supérieures. Cependant, dans la vie, comme l’orchidée peut fleurir dans un endroit sombre, il arrive qu’un individu exceptionnel apparaît parmi les gens ordinaires.

  En réalité, non seulement le jeune NGUYỄN-LIÊN dépassait ses condisciples de l’École des Travaux Publics, il était aussi reconnu comme un fameux rédacteur en Français par les étudiants en Pédagogie et en Administration Indochinoise – deux branches où ils excellaient en Français.

    Grâce à un niveau de loin supérieur à celui de ses pairs et comme il était studieux, après deux années d’études, il fut brillamment reçu parmi les diplômés de l’École des Travaux Publics.

   Ensuite, seulement après sa nomination comme Agent technique des Travaux Publics, le jeune LIÊN demanda l’aide de la justice pour l’acquisition de la nationalité française.

    Monsieur l’agent technique NGUYỄN-LIÊN devint ainsi un fonctionnaire Français, du nom EUGÈNE DEJEAN DE LA BÂTIE. Cependant, dans son statut d’homme de lettres, il n’aimait guère les milieux où régnaient les flatteries… Comme de nombreux amis le savent, M. DEJEAN était un amoureux de la liberté, il n’acceptait pas de s’enfermer avec des esprits étroits et voulait surtout exercer ses talents dans le but de venir en aide à autrui.

    Une autre chose importante à noter chez lui, c’est que, malgré son statut d’employé de moyenne importance, il était très fidèle à la piété filiale et n’oubliait jamais ce qu’il devait à sa mère vietnamienne; il reconnaissait toujours et ouvertement que le Viet-Nam était sa “matrie“; depuis son jeune âge, il nourrissait le grand dessein de servir d’une façon déterminée la cause du Viet-Nam afin de conduire les vietnamiens sur une route plus lumineuse et plus large.

    Ainsi, après deux ans au Département de géographie de la Cochinchine, il démissionna pour poursuivre son aspiration. Tout d’abord, il s’occupa de la Rédaction du journalLa Voix Annamite” créé par M. LÊ-THÀNH-TƯỜNG.

    Cependant, cet hebdomadaire à la ligne éditoriale modérée n’avait pas d’écho dans la société. Néanmoins, la période où M. DEJEAN y travaillait lui permettait de s’habituer aux secrets du métier.

   Après presque une année de collaboration à “La Voix Annamite“, M. DEJEAN fut remarqué par la presse française pour sa plume de combat redoutable.

   En 1924, M. NGUYỄN-PHAN-LONG, le directeur de l’Écho Annamite, l’invita alors au poste de rédacteur en chef. C’était précisément pendant la période où il occupait ce poste à l’E. A. que M. DEJEAN eut l’occasion de se former et d’exercer son talent.

    Ses points forts, un style fait de théories et de combat et un ton empli de piques et d’acide, donnèrent des migraines à de nombreux journalistes français au service du parti capitaliste. De plus, il avait le courage de mettre au jour, pour les critiquer, les injustices et abus de pouvoir de personnages puissants.

    Cela dit, même s’il se tenait dans les rangs de l’opposition, l’E. A. gardait une ligne modérée, et non extrême.

    Dans ces conditions, tout en collaborant avec l’E. A., M. DEJEAN créa avec M. NGUYỄN-AN-NINH, un camarade de lutte, le journal “La Cloche Fêlée” afin de protéger les droits du grand public, avec davantage de sérieux et de passion. Malgré son nom, La “Cloche Fêlée” fut une caisse de résonance qui avait une grande influence sur la libération de l’esprit du grand public et surtout des jeunes intellectuels du pays.

  A l’époque, on voulait utiliser tous les moyens pour acheter les responsables du journal, mais ni M. DEJEAN, ni M. NINH, qui plaçaient les droits de la nation vietnamienne au-dessus de tout, ne se laissèrent ébranler par quelque force que ce fût.

    En plus d’exhorter la population, M. DEJEAN, ainsi que ses amis, tels MM. PHAN-VĂN-TRƯỜNG et NGUYỄN-AN-NINH, organisaient des conférences et des manifestations pour demander la promulgation des libertés démocratiques pour le peuple vietnamien.

    L‘immense manifestation de la rue Lanzerotte, organisée par M. DEJEAN, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes, fut sans doute la plus grande manifestation politique qui eût jamais lieu; elle ouvrit la voie à d’autres manifestations depuis. L’année suivante, M. DEJEAN collabora de nouveau avec M. PHAN-VĂN-TRƯỜNG à l’ “Annam“.- Ce journal représentait “La Cloche Fêlée” sous un autre nom. ” L’Annam ” exerça également une très grande influence dans les rangs des jeunes intellectuels du pays entier.

   Nous nous souvenons encore de l’emprisonnement de M. DEJEAN pendant 8 jours, dû à sa signature sur un tract violent écrit et diffusé par M. NGUYỄN-AN-NINH dans la ville de Saigon.

    Pendant les années suivantes, le mouvement nationaliste fut fortement réprimé, certains de ses membres furent mis en prison, d’autres moururent en détention; M. DEJEAN ne se découragea jamais et continua à lutter contre toutes les tempêtes, dirigeant seul “l’ Écho Annamite“.

    Hélas, les forces de l’individu connaissent ses propres limites, et pourtant le travail reste pénible, il tombait souvent malade et devait laisser de côté toutes ses activités. Nous croyions que cet homme encore jeune et déterminé pourrait un jour guérir et revenir parmi les amis du journalisme, mais il décéda à la fin de décembre l’an dernier.

    Nous ne pouvons cependant ne pas nous étonner de voir que depuis son décès, aucun journal n’a rappelé sa carrière.

   C‘est pour cette raison que, aujourd’hui et ci-dessus, pour combler cette lacune regrettable et, par la même occasion, pour rendre hommage à un confrère qui a accompli une grande œuvre au service du mouvement de libération du Viet-Nam, nous rappelons brièvement mais respectueusement l’œuvre de notre ami DEJEAN DE LA BÂTIE.

   De toutes façons, le nom de DEJEAN perdurera aux côtés de ceux d’hommes célèbres tels PHAN-VĂN-TRƯỜNG, NGUYỄN-AN-NINH, etc.

REMARQUES:
1:  DEJEAN DE LA BÂTIE MAURICE, …
2:  DINH NAM, Journal Phục-Hưng, Décembre 12, 1948.
3:  … mis à jour …

NOTES:
◊  Source:  Chim Việt Cành Nam – chimviet.free.fr.
◊  Toutes les citations, les italics, les textes en couleur, les capitales et l’image sépia sont édifies par Ban Tu Thu – thanhdiavietnamhoc.com.

BAN TU THU
09 /2020