Les ORIENTALISTES Française – Partie 1
Prof. Agré. Dr. en Histoire NGUYÊN MANH HÙNG
De nos jours, le peuple vietnamien ne voit plus l’ombre d’un seul colonialiste française dans son pays. On ne les connait plus qu’à travers les livres d’histoire, les Bulletinss de l’École Française d’Extrême-Orient, ceux de la Société des Études indochinoises, ceux des Amis du vieux Huế et les publications de l’Institut indochinois pour l’étude de l’homme… ainsi qu’à travers les ouvrages de recherche qu’ont laissés les Français sur la vie matérielle et spirituelle du peuple vietnamien . Parmi ces ouvrages, il y en a qui, non seulement confirment à travers de nombreuses pages d’études la présence d’érudits français sur le sol vietnamien pendant près d’un siècle, mais encore celle des prêtres catholiques durant plusieurs siècles. L’une de ces études porte sur la “Mission des Jésuites au Tonkin1 et les grands progrès accomplis par l’évangélisation dans la conversion des infidèles à la religion catholique de 1627 à 1646”.
Non seulement ces missionnaires ont posé les pieds sur les plaines côtières de l’Annam ou sont allés jusqu’au Tonkin, mais ils se sont aussi enfoncés dans les forêts et les montagnes, tel le Père SAVINA2 qui étudiait les ethnies minoritaires du Việt Bắc et du Hoa Nam, tel le Père CADIÈRE3 qui, outre ses recherches sociologiques, linguistiques et celles sur la littérature folklorique des Kinh, a aussi entrepris des études historiques sur le peuple Cham, et tel le Père DOURISBOURE4 qui pénétrait dans les Hauts-Plateaux du Sud pour y entreprendre des études ethnologiques. Il y a aussi le Père ALEXANDRE DE RHODES5 qui eut le mérite de compiler les résultats de toutes les recherches antérieures pour rédiger un dictionnaire Vietnamien-Portugais-Latin (Dictionarium Annamiticum, Lusitenum et Latinum – Roma 1651).
Mais en ce temps-là, il n’y avait pas au Vietnam que des prêtres, des évêques et des érudits; il y avait aussi des marchands. Quoique très occupés par leurs affaires, ils étaient présents au Tonkin pour écrire des rapports – comme dans le cas de TAVERNIER6 – ou simplement pour décrire la région comme l’a fait l’Anglais SAMUEL BARON7. Ils s’intéressaient aussi beaucoup à la situation politique et sociale, aux us et coutumes, à la géographie, à l’histoire et à la langue des régions où ils mettaient les pieds.
En particulier, il y avait des hauts-fonctionnaires français qui ne consacraient pas tout leur temps à l’administration, mais en réservaient beaucoup à observer et à étudier, tel SABATIER8 qui s’intéressait aux lois coutumières et aux sagas de l’ethnie Êđê, tel LANDES9 qui concentrait son attention sur les récits folkloriques et sur la langue et la civilisation vietnamiennes, tel CORDIER10 qui, tout en étant agent des Douanes, faisait de l’interprétation pour le Département de Justice de l’Indochine et enseignait le vietnamien et le chinois aux fonctionnaires français. Quant au capitaine-aviateur CESBRON11, il élevait jusqu’au septième ciel les vieilles légendes vietnamiennes.
Il y a aussi le Commissaire de police BAJOT11 qui prit la peine de traduire en français le grand poème LỤC VÂN TIÊN de ĐỒ CHIỂU12 en soignant chaque mot, chaque phrase . De tels Français, il y en avait beaucoup! Parmi eux, certains sont célèbres, tel DUMOUTIER13 – archéologue et orientaliste – invité au Vietnam comme traducteur par le Gouverneur général, tel MAURICE DURAND14, très connu grâce à son ouvrage intitulé “L’imagerie populaire vietnamienne”, tel PIERRE HUARD15 qui laissa son nom à la postérité grâce à l’ouvrage “Connaissance du Vietnam”. Plus récemment, il faut citer PHILIPPE LANGLET16, DES en Histoire, qui enseignait à l’ex-Faculté des Lettres de Saigon et qui traduisit en 1970 le Khâm Định Việt Sử Thông Giám Cương Mục (Histoire du Vietnam autorisée par le Roi) en tant que thèse de doctorat du 3e cycle. De nos jours, il ne reste plus beaucoup de membres de cette génération.
Ils ont cédé la place à des orientalistes soviétiques, japonais, américains… Selon le point de vue de recherche propre à chacun, qu’il soit matérialiste ou idéaliste, dialectique ou métaphysique… la vietnamologie s’étend devant leurs yeux avec toujours de nouveaux éléments.
Cependant à travers les documents qui nous sont restés , nous ne voyons citer nulle part le nom de HENRI OGER17, excepté dans un seul article de PIERRE HUARD15 publié dans les pages 215–217 du Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient (1970) et intitulé “Le pionnier de la technologie vietnamienne”18 (Image 72). Le contenu de cet article peut nous éclairer plus ou moins sur ce Français.
… en suite dans la partie 2…
NOTES:
1 : Région dominée par le Seigneur Trịnh et s’étendant du col de Ngang jusqu’au Nord.
2 : …
18 : Pierre Huard – Le pionnier de la technologie vietnamienne – Henri Oger (1885–1936?) B.E.F.E.O –T.L. VII 1970, pages 215, 217.