Les ORIENTALISTES Française – Partie 2

Prof. Agré. Dr. en Histoire NGUYÊN MANH HÙNG

… en suite pour la partie 1 …:

Les Orientalistes française – Que voulaient-ils?

  Depuis qu’ils ont mis les pieds au Vietnam, les érudits français ont entrepris des recherches scientifiques vastement organisées , dotées de moyens adéquats , et ont bénéficié de l’aide du gouvernement colonial, mais surtout, sont  inspirées par l’amour de l’exotisme , aussi ces érudits ont-ils fait des études profondes sur des aspects qui étaient si familiers aux lettrés vietnamiens qu’ils les ont laissés de côté ou ne songeaient pas à les étudier. Grâce aux documents laissés par les chercheurs français, les générations postérieures pourront compléter de façon objective la documentation que leurs aïeux ont pu rassembler .

  Mais l’aide fournie par les autorités coloniales était-elle tout à fait désintéressée avec comme but de servir la science? Ces autorités obligeaient les chercheurs à leur fournir des documents pour servir leur objectif de domination. Peut-être est-ce pour cela que certains érudits font preuve parfois de manque de réflexion objective dans leurs études au sujet des Vietnamiens?

  Tout d’abord,  la méthode qu’ils ont adoptée n’a-t-elle pas épousé le point de vue de l’intelligentzia occidentale à une époque où le colonialisme était à son apogée? On étudie un peuple, non pour chercher à s’en rapprocher mais pour le dominer.

   «Pour bien gouverner les peuples colonisés, il faut tout d’abord comprendre comment est ce peuple.» 

   Cette parole du Gouverneur général DOUMER1 est une véritable directive. Mais pour comprendre à fond un peuple, il faut pouvoir expliquer l’origine historique des rites, des us et coutumes de ce peuple, or la fonction de l’ethnographie occidentale ne consiste-t-il pas principalement qu’à montrer le sens concret et le rôle fonctionnel de ces rites et coutumes dans la société, et ce, dans un but précis? 2

  De plus, dans sa méthode de compilation et d’examen, souvent la tendance de l’ethnographie occidentale n’est-elle pas de s’intéresser aux phénomènes superficiels recouvrant comme une pellicule les us et coutumes des peuples et d’en relever les aspects curieux qui satisfont le «gout exotique»?

   Et n’est-ce pas imprégné de cet objectif, de ce rôle et de ces méthodes que HENRI OGER est venu dans cette terre étrangère? Si c’est ainsi, quels objets OGER a-t-il choisis pour ses recherches scientifiques?

  Si PIERRE POIVRE est venu en Extrême-Orient dans les années 1749-1750 pour étudier la position stratégique, les us et coutumes, les croyances religieuses, les produits et le commerce de l’Annam, OGER, lui, est venu pour entreprendre des recherches sur le terrain concernant la civilisation matérielle et spirituelle du Tonkin dans les années 1908-1909.

La vie de Henri Oger

   «Un inconnu – un malheureux destin oublié depuis près d’un siècle» . OGER est-il vraiment le pionnier de la technologie vietnamienne? Nous le saurons à travers l’article de PIERRE HUARD1.

    HENRI JOSEPH OGER (1885 – 1936?) est né à Montrevault (Maine et Loire) le 31 octobre 1885. Il a obtenu le Baccalauréat (série Latin-Grec-Philosophie) avec la mention Assez Bien en 1905, puis est entré à l’École supérieure des Études pratiques (section 4).

  OGER fut le disciple de M. M SILVAIN LÉVI2, LOUIS FINOT3 et d’autres professeurs de l’Institut français à l’École supérieure des Études pratiques de l’Université Sorbonne4 (Paris). En 1907, OGER demanda au Ministère des Colonies de pouvoir faire ses deux ans de service militaire au Tonkin (1908 – 1909). Sa requête fut satisfaite. (Henri Oger avait alors 23 ans seulement).  OGER poursuivit ensuite sur place des études à l’École des Colonies (1909) d’où il sortit, classé 4e/26. Il continua et acheva ensuite des études en «linguistique vietnamienne» , et en caractères chinois.

   Le 3 juin 1914, OGER rentra en France et fut démobilisé pendant un an. Le 17 juin 1915, il fut de nouveau mobilisé. Malgré les recommandations de certains sénateurs, OGER ne put pas servir en France, mais dut revenir au Vietnam.

  Comme il travaillait trop, OGER fut plusieurs fois hospitalisé pour surmenage et fut rapatrié le 18 juin 1919, puis prit sa retraite le 18 octobre 1920. Poursuivant ses recherches sur la période qui suit, HUARD apprit qu’on a vu OGER en Espagne aux environs de février 1932, puis on perdit sa trace à partir de 1936.

   Personne ne sait quand OGER s’est marié, mais ce dont on est sur, c’est que le couple n’a pas eu d’enfant. A partir de 1952, la veuve de HENRI OGER vivait au 32, Boulevard de la Libération, Chantilly, et mourut le 28 décembre 1954.

   Ce qui précède est tout ce que PIERRE HUARD a pu découvrir sur la vie de HENRI OGER. Ce qu’on connaýt le plus de lui, ce sont ses activités scientifiques. Plus tard, OGER sera reconnu comme un savant, un érudit qui a su se servir de la voie militaire et administrative dans l’appareil gouvernemental français pour satisfaire sa curiosité infinie, pour pénétrer profondément dans le domaine des recherches linguistiques et littéraires .

  OGER travaillait comme un fou. Il songea à créer en Indochine un organisme de recherches linguistiques et idiomatiques semblable à celui créé par les Anglais en Inde.

   Mais les projets  conçus et amorcés par OGER ne furent pas poursuivis jusqu’à terme . N’est-ce pas à cause des infortunes de sa vie, de la maladie et des mauvais traitements qu’on lui faisait subir que HENRI OGER a abandonné à mi-chemin ses travaux de recherche?

LIRE LA SUITE:
◊  Les Orientalistes française – Partie 3.
◊  Les Orientalistes française – Partie 1.

NOTES:
1:  Pierre Huard  – Le pionnier de la technologie vietnamienne – Henri Oger (1885 – 1936?), B.E.F.E.O –T.L VII, 1970, pages 215, 217.
2D’après «L’origine historique du développement des peuples et des courants populaires» Revue d’Ethnographie 1961- Numéro 21 – 15/3/1961.

BAN TU THU
07 /2020

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3:  … mise à jour …