Le Docteur ALEXANDRE YERSIN – Partie 1

DANG PHUONG

YERSIN – Un émule de ROUX

   D’ici 14 années pasées, la Science a été en deuil et l’Indochine avait pleuré le plus illustre de ses fils d’adoption. Le docteur YERSIN mourut à Nha-Trang1 où pendant près d’un demi siècle, il a poursuivi l’œuvre la plus variée, la plus belle et la plus féconde qui se puisse imaginer. Il repose maintenant parmi les hévéas de Suoi-Giau2, dans le sein de cette terre d’Annam3 qu’il a tant aimée.

  Sa carrière, a dit à l’Académie des Scien­ces, le professeur LACROIX4, constitue un véritable roman d’aventures, mais un roman vécu, sin­gulièrement fécond en résultats de tous ordres pour la Science, pour l’Humanité et pour la pros­périté de l’Indochine et particulièrement du VietNam.

   ALEXANDRE YERSIN est né le 22 Septembre 1863 à Lavaux5, dans la campagne Vaudoise5.

   Il fut élève à Morges6 où son père, entomo­ logiste distingué avait été professeur de sciences naturelles; en 1883, il commence ses études médicales à l’ancienne Académie de Lausanne7, les poursuivit à Marbourg8 puis à Paris. En 1886, il était assistant-préparateur à l’hotel Dieu9.

  C’est à cette époque qu’il entre dans le Laboratoire de Pasteur, rue d’Ulm10, alors dans toute l’effervercence des travaux sur la vacci­nation contre la rage. En 1887, il acquiert la nationalité française et soutient une remarquable thèse de doctorat en médecine sur la tuberculose du lapin. Mais déjà ROUX11, séduit par cette intelligence lumineuse, l’a associé à ses recherches sur la diphtérie; YERSIN signe avec lui les trois im­portants mémcires, aujourd’hui classiques, qui établissent sur le bacille de Klebs-Loeffler12est bien l’agent spécifique de la diphtérie, que ce bacille tue parce qu’it élabore un poison qui se rapproche par ses propriétés des diatases et des venins; mémoires qui devaient donner une orien­tation toute nouvelle à la toxicologie microbienne et entraîner la découverte des antitoxines et de la sérothépapie. A vingt six ans, la renommée de Yersin est grande dans le monde savant qui le considère comme un émule de Roux et attend ses prochaines recherches.

Yersin au Indochine

  Mais pour cet esprit audacieux, avide de voir et de connaître, il faut d’autres horizons que les murs du laboratoire; à la fin de 1889, il part pour l’Indochine comme médecin des Messageries Maritimes13. La vie de bord parait bientôt monotone à ce jeune médecin et ne satisfait point ce goût de l’aventure qui le pousse à s’évader du labaratoire. La chaîne Annamitique, qu’il admire à chaque escale à Nha-Trang, exerce sur lui, selon ses propres termes « une véritable attraction » et il conçoit bientôt le projet de se rendre directement par terre de Nha-Trang à Saigon14.

   Dans ce but, il débarque à Nha-Trang en Juillet 1890, rejoint Phan-Ri15 à cheval par la piste qui devait être plus tard la route « Mandarine16 » et de là, avec un seul guide, ayant pour tout bagage quelques boites de « corn beef » et quelques biseuits secs que lui a donnés le cuisinier du bord, s’engage dans la chaîne Annamitique et finit par aboutir après deux jours de marches épuisantes aux environs de Djiring17. Rejoindre le bâteau à Saigon dont le sépare 9 à 10 jours de marche n’est plus possible. Abandonnant son projet, le docteur YERSIN gagne Phan-Thiet18 en une journée de marche, arrive à Nha-Trang à bord d’une jonque de mer et rejoint son bâteau juste au moment où celui-ci lève l’ancre pour QuiNhon19.

   Si nous avons un peu insisté sur cette première excursion dans les pays Mois20, c’est parce qu’elle va orienter toute l’activité de A. Yersin dans les années suivantes; L’échec de cette tenta­tive, les déceptions éprouvées, les fatigues endurées n’ont fait que fortifier son désir d’explorer les régions alors mystérieuses.

   Pendant près de 4 ans, il va parcourir seul et sans escorte les régions montagneuses de la Chaîne Annamitique limitrophes du Nord de la « Cochinchine21 », du Sud de l’Annam et du Laos; il relèvera le tour des rivières, l’emplacement des lieux habités, le frofil des montagnes, montrant les voies d’accès vers la Cochinchine et le Cambodge, étudiant les moeurs des populations Mois, la valeu économique des régions explorées.

   En 1898, il décide de se rendre de Nha-Trang à Stung-Treng22 et après une première tentative infructueuse, finit par atteindre le Mékong23.

   En 1893, il effectue une exploration dans la région de Dran24; c’est à cette époque que se situe sa rencontre dramatique avec une bande de pirates, rencontre au cours de laquelle YERSIN est bleesé d’un coup de sabre à la main gaucle et d’uu coup de pique en pleine poitrine. C’est pendant celte exploration qu’il prend un premier contact, le 21 Juin 1893, avec le plateau de Lang-Bian qu’il décrit ainsi: “mon impression a été profonde lorsque, débouchant de la forêt de pins, je me suis trouvé en face de ce vaste plateau dénudé et désert, dont l’apparence rappelait celle d’une mer bouleversée par une houle énorme d’on­dulations vertes. Le massif du LangBian25 se dressait à l’horizon nord-ouest du plateau, accentuait la beauté du site en lui donnant du relief et en lui formant un arrière-plan splendide

   Lorsqu’en 1899, M. DOUMER26 lui deman­dait s’il existait dans la région montagneuse du Sud-Annam un emplacement propre à l’installation d’un sanatorium,le docteur YERSIN indiqua immé­diatement à M. DOUMER le plateau du Lang-Bian où s’élève aujourd’hui la ville sanitaire de Dalat27.

   En 1894, YERSIN va mettre en exécution le plan qu’il a formé l’année précédente, atteindre le Darlac28 en partant du Sud et en explorant les pays Mois situés au Nord du massif du Lang-Bian à l’Ouest de la chaîne côtière. Cette fois contrai­rement à ses habitudes antérieures, il part avec quinze miliciens, non point tant pour garantir sa sécurité personnelle que parce qu’il s’est rendu compte que ce déploiement de force est nécessaire pour établir le prestige français. Ayant quitté Nha-Trang en fin Février, il attent Tourane29 le 7 Mai après avoir traversé le Darlac et le Kontum30.

   En cette même année 1894, des circonstances imprévues allaient donner une orientation toute nouvelle à l’activité inlassable de Yersin et la ramener, avec quelle gloire, dans sa voie primitive. Signalons que, en 1892, il avait quitté les Messa­geries Maritimes et étatt entré dans le Corps de Service de Santé colonial, sur le conseil de M. CALMETTE31, venu créer en 1890 à la demande de Pasteur lui-même un Institut à Saigon.

À SUIVRE:
◊  Le docteur ALEXANDRE YERSIN – Partie 2.

REMARQUES:
1:  … mis à jour …

NOTES:
◊ Source: Culturelle Francaise au Viet Nam 1957, Extraits – Études- Mémoires, Les Éditions du Viet Nam (Sud), Saigon.

BAN TU THƯ
09 /2020