LA COCHINCHINE – À Propos
MARCEL BERNANOSE1
L‘Indochine française ou Union Indochinoise se compose de cinq pays: le Tonkin, l’Annam, la Cochinchine, le Cambodge et le Laos.
La Cochinchine, colonie française – tandis que les autres pays de l’Union sont des protectorats – forme la pointe sud de notre possession d’Extrême-Asie, couvrant 56.965 km2 des 720.000 km2 de la surface totale de l’Indochine, et comptant 3.800.000 habitants sur les 19 millions de sa population totale.
La Cochinchine, limitée au Nord par le Cambodge et l’Annam, à l’Ouest et à l’Est par la mer, est formée par le bassin sud du Mékong et le delta de ce fleuve, vaste plaine alluvionnaire dominée d’une part par les derniers contreforts cambodgiens marqués par la colline de Hatien2 (Nui Sam, 215 m) et l’îlot de Phuquoc3, d’autre part par la pointe sud de la chaîne annamitique qui se termine au Nui Ba Den ou montagne de Tayninh4 (966 m) à la montagne de Baria5 (850 m) et aux îlots du Cap St-Jacques6.
Le Mékong7 (4.200 km) fleuve libre, non endigué, véritable bras de mer, fertilise par un apport incessant de limon le pays qu’il inonde annuellement, tandis qu’il prolonge indéfiniment, son delta par les terres qu’il entraîne dans ses flots et que la mer refoule vers le rivage.
La caractéristique principale du climat est qu’il est soumis au régime des moussons, déterminant deux saisons très nettes: la saison des pluies d’avril à novembre et la saison sèche de décembre à mars. Malgré ces moussons, le climat est égal: la température va de 25 à 30° d’un bout de l’année à l’autre.
La situation géographique de la Cochinchine – carrefour de routes nombreuses permettant le rapprochement de peuples variés – son passé fait d’invasions venues de tous côtés et d’occupations successives expliquent la variété et les métissages des races qui constituent sa population.
Toutefois l’élément annamite prédomine (87,5%) (…). Puis au cours de luttes intestines, la France apparut en 1788 pour établir la dynastie des Nguyen avec l’empereur Gialong8. Afin de venger le meurtre de deux missionnaires espagnols et réduire Thuduc9, une flotte mixte franco-espagnole dut s’emparer de Tourane d’une part, de Saigon de l’autre (18 février 1859).
Par la suite, la France s’annexa les provinces orientales (Giadinh10, Bienhoa11, Mytho12, 1862) puis les provinces occidentales (Vinhlong13, Chaudoc14, Hatien15, 1863).
Organisation administrative
Les premiers gouverneurs de la Cochinchine furent des amiraux qui jetèrent les bases premières d’un système administratif conservant, sous la haute direction des inspecteurs des affaires indigènes, les notabilités indigènes avec leur grade et leur hiérarchie: phu, huyên, chef et sous-chef de canton, notables de village. En 1879, les gouverneurs civils remplacèrent les amiraux, d’abord sous le titre de lieutenant-gouverneur, puis sous la dénomination de gouverneur de la Cochinchine. Ce gouverneur est placé sous la haute autorité du gouverneur général de l’Indochine, représentant de la République Française.
Le gouvernement de la Cochinchine, ainsi que les directions des grands Services publics sont à Saigon, capitale de la Cochinchine. La commune qui est la base de l’organisation administrative est dirigée par les notables qui gèrent le budget communal. Les communes sont groupées en canton; administré par un chef et un sous-chef de canton. Les cantons sont groupés pour former une province, avant à sa tête un administrateur, chef de province, représentant du gouverneur de la Cochinehine. Certains cantons importants sont groupés pour devenir des circonscriptions administratives érigées par des doc-phu, phu, huyen, ou même des fonctionnaires français. Les circonscriptions ont rattachées à une province. Les Services publics sont représentés dans les différentes provinces: ce sont les Postes, les Travaux publics, la Douane, le Service forestier, l’Enseignement, l’Assistance médicale, le Trésor.
Cochinchine économique
Parmi les renseignements que nous fournissent les statistiques, un seul suffit pour nous permettre de situer la puissance économique et financière de la Cochinchine au rapport à celle des autres pays de l’Union: la Cochinchine représente en valeur les 75% du total au commerce spécial Indochinois.
La richesse de la Cochinchine est due au sol, d’un travail facile, d’une fertilité prodigieuse et un rendement supérieur bien que ne permettant qu’une récolte annuelle (tandis que le Tonkin et Annam du Nord ont deux récoltes par an).
La culture du riz l’emporte sur toutes les autres: quinze provinces sur vingt deux n’ont pas autres ressources. (La Cochinchine fournit les 8/10 de l’exportation des riz de l’Indochine française, exportation qui s’élève à presque 2 millions de tonnes).
Les autres cultures de ces de ces régions basses sont celles du maïs, du soja, de la patate, de la canne à sucre, de l’arachide, du cocotier producteur d’huile de coprah dont la culture émunératrice s’intensifie d’année en année dans les provinces de Giadinh et Mytho. Les provinces le l’Est, plus élevées, boisées, offrent des terres rouges ou grises, propices à la culture de l’hévéa, arbre à caoutchouc dont la production dépasse 3.000 tonnes par an.
Dans ces régions surélevées, à côté des exploitations forestières (bambous à Thudaumot16 et Tayninh, et grande forêt à Bienhoa) sont tentées des cultures intéressantes comme celles du caféier de l’arbre à laque.
Excellents cultivateurs, actifs et patients, industrieux, les Annamites pratiquent généralement au culture des terres suivant la tradition millénaire. C’est le buffle qui est par excellence et sur toute étendue du pays, l’animal de labour de la rizière. Mais l’administration française a voulu faire vofiter les indigènes des méthodes rationnelles et modernes dues aux recherches scientifiques en véant des écoles d’agriculture, un laboratoire de sélection des riz à Saigon, des champs d’essai, des jardins de semences (Cantho17, Soctrang18, Ong Yem19). La motoculture se répand de jour en jour: les facteurs servent au labour, aussi bien qu’au désouchage.
L’industrie principale de la Cochinchine est la rizerie qui permet le décortiquage mécanique ici grain de paddy, afin d’obtenir le riz. De grandes rizeries fonctionnent à Cho Lon20, ville chinoise à 6 km de Saigon. Mais actuellement d’autres rizeries plus ou moins importantes s’établissent sur out le territoire cochinchinois.
Parmi les autres industries, il faut citer celles du caoutchouc manufacturé, des huileries de : «prah, des sucreries, des briqueteries, des scieries, des teintureries et des tissages. Un admirable réseau routier et fluvial dessert la Cochinchine jusqu’en ses provinces les plus reculées. »
Les routes parcourues par d’innombrables automobiles, charrettes à bœufs, voitures à chevaux, ilburis ou malabars, pousse-pousses, par des files de piétons généralement porteurs de charges, ont classées en routes coloniales, routes provinciales et et routes communales. Les routes coloniales d’intérêt général sont les plus importantes: route N° 1 ou route mandarine de la frontière du Siam, à la Porte de Chine (Battambang21 à Dong Dang22), route N° 15 de Saigon au Cap St.Jacques, route N° 16 de Saigon à Camau23.
En outre des grandes route, le gouvernement français créa des lignes de chemin de fer dont la plus ancienne, celle de Saigon à Mytho par la plus importante par son trafic intense. La ligne de Saigon-Bienhoa conduit vers I’Annam, constituant le premier tronçon du transindochinois, ou vers Dalat24 la station climatérique du pays. Enfin furent créés les tramways de Cho Lon- Saigon à Hocmon25, Govap26 et Laithieu27, et de nombreux services aux services publics d’automobiles, parcourant à travers les provinces, plus de 2.000 km.
A côté de ces moyens de communication dûs à la main de l’homme, d’autres, naturels, sillonnent en tous sens la Cochinchine: les fleuves, véritables bras de mer, les rizières, et les rachs, les arroyos tous “chemins qui marchent”, remontés par la marée sur plusieurs centaines de kilomètres.
Toutes ces voies fluviales, parcourues incessamment en tous sens par des chaloupes françaises ou chinoises chargées de passagers, par de lourdes jonques, par des myriades de sampans, convergent généralement vers Cho Lon le grand port fluvial de Saigon où presque deux millions de tonnes de paddy affluent annuellement nu vers Saigon dont le tonnage atteint presque 4 millions de tonnes par an.
Saigon, capitale de la Cochinchine, est le plus grand port française d’Extrême-Orient. Bâtie sur la rivière du même nom, a 45 milles de la mer, les plus paquebots y accèdent facilement. A 24 jours de Marseille28 par grand courrier, Saigon est à 1 minute de Paris par télégraphie sans fil.
C’est une ville agréable, d’aspect tout européen par ses nombreux monuments publics, ses beaux hôtel, et ses magasins bien approvisionnés, mais possédant un charme tout particulier d’exotisme par I’animation de ses rues où se pressent Annamites et Chinois, Indiens et Malais.
Bien tracées, ses rues sont bordées d’arbres touffus et souvent odoriférants formant pour le passant de véritables voûtes d’ombre.
Tout près de Saigon est Cho Lon, puissant centre commercial, énorme cité chinoise en pleine Cochinchine avec ses rues grouillantes, ses riches pagodes, ses restaurants animés, ses quais et ses usines. La Cochinchine offre bien des attraits touristiques et ne manque pas de sites variés aux charmes toujours délicats.
En dehors de Saigon, par delà le tour d’inspection, promenade habituelle des Saigonnais, après la visite de la pagode de Dakao29 avec ses curieuses statues dites des “Portugais”, des tombeaux historiques de Giadinh, du tombeau de l’Évêque d’Adran30, ce sont les jardins de Thuduc, les champs de fruits de Thudaumot, les chutes du Donaï 31 à Trian32.
Plus loin et par ailleurs, ce sont les immenses plaines de l’Ouest, peut-être môntones d’aspect, mais dont les arroyos ocrés, sillonnés de sampans aux voilures multicolores, découpent en un infini permettant de belles excursions et des chasses intéressants : enfin le Cap St-Jacques avec sa plage fréquentée, ses promenades de la Corniche, la baie immense de Ti-Wan33.
REMARQUES:
1: MARCEL GEORGES BERNANOSE, né le 23 août 1884 à Valenciennes, Hauts-de-France, Nord, France et mort à Île-de-France, Paris, France, le 2 avril 1952, est un peintre et graveur français. Critique d’Art à Nancy, écrivain. En 1922, il est récompensé par le grand prix de l’Exposition coloniale de Marseille. Il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur le 22 mai 1926. EN SAVOIR PLUS sur tous les détails: MARCEL BERNANOSE.
2: … mis à jour …
NOTES:
◊ Source: MARCEL BERNANOSE, La Cochinchine, Hong Duc Éditeurs, Hanoi, 2018.
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BAN TU THU
09 /2020