HABILLEMENT des VIETNAMIENES – Partie 1

PIERE HUARD & MAURICE DURAND
École Française d’Extrême Orient, Hanoi 1954

I.  Habits

    Dans les cultures idéationnelles du type médiéval comme la culture vïêtnamienne, la forme et la couleur des vêtements étaient minutieusement réglées par le Ministre des Rites. Chaque classe sociale, chaque circonstance de la vie (deuils, mariages, etc.) était indiquée par un détail vestimentaire. La nudité et le culte du nu, si caractéristique des Grecs, étaient impensables.

    Les femmes qui sont du principe obscur (âm) devaient être bien cachées par les vêtements. Les hommes qui sont plus sains pouvaient ne cacher seulement que le tour des hanches (Nguyễn-văn-Huyên).

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Fig.67 – (D.) Tailleurs. Thợ may.

  Les proto-viêtnamiens ne portaient pas de pantalons. Ils ne connaissaient que le vêtement-ceinture des contrées tropicales qui, de l’Inde au Japon, est constitué, pour la femme, par une sorte de jupe libre (màn), et pour l’homme, par une sorte de ceinture en T (khố).

    Les tuniques en écorce d’arbre (type tapa) signalées par M. Golani dans le Centre Viêtnam et les manteaux de feuilles de latanier (lá gồi), en usage dans le Nord, paraissent se rattacher à de très vieux modèles autochtones présinoïdes.

    La jupe est encore en usage chez les paysannes du Nord Viêtnam. Pourtant dès 1774, Võ-Vương imposa le port du pantalon et de la tunique sinoïdes, dispositions qui ne furent adoptées que par les riches. II s’agissait du costume en usage sous la dynastie mandchoue (1644-1912), costume de coupe étroite, se fermant sur le côté, et pantalon. Le pantalon connu des indo-européens (Gaulois, Perses anciens), des Turco-Tatars et des Mongols de l’Asie centrale a été importé en Chine, comme la botte, à une date relativement récente (IIIe siècle) et n’a jamais éliminé, comme au Viêtnam, la robe traditionnelle.

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Fig. 68. (D.) Mendiante. Người đàn bà ăn mày bế trẻ con.

    Les tailleurs ne pouvaient pas coudre les jupes, les cache-seins et les pantalons des femmes, pas plus que les blanchisseurs ne pouvaient les lessiver. Ces tabous rappellent ceux de l’ancienne Chine où le mari et la femme ne devaient jamais mélanger leurs habits avant l’âge de soixante-dix ans. La commande, la coupe et la confection des vêtements étaient liées à des jours fastes, indiqués par des calendriers spéciaux. Une étoffe manipulée sous l’influence de la constellation du feu est exposée à être brûlée. Toutefois, en faisant brûler à part un petit morceau de cette étoffe, on peut, en cas d’urgence, modifier les influences maléfiques.

    Pour tracer sur l’étoffe la silhouette du patron, les tailleurs, en guise de craie, utilisaient des couteaux mousses de corne, de bois ou d’os. La forme de ces outils très archaïque suggère une origine très ancienne, antérieure à l’âge des métaux (Colani). Ils avaient 17,5cm de long x 3,5cm de large et A millimètres d’épaisseur.

    Les premiers vêtements du nouveau-né devaient être confectionnés avec les habits hors d ’usage d’un vieillard de façon à lui transférer le plus de longévité possible.

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Fig. 69. — (T.) Costume et coiffures îles femmes. Đồ ăn mặc và cách đội khăn của người đàn bà.
  1.  Áo năm thân, tunique à cinq pans;
  2.  Yếm cổ sáy, cache-seins au col légèrement évasé;
  3.  Yếm cổ sé, cache-seins au coi fendu;
  4.  Áo bốn thân, tunique à quatre pans;
  5.  Quần, pantalon;
  6.  Giải giút, cordon pour soutenir le pantalon;
  7.  Váy, jupe;
  8.  Khăn giài, turban;
  9.  Coiffure avec turban, vue de face, la raie (đường ngôi) est centrale;
  10.  Même coiffure vue de derrière; les cheveux de la région du vertex (mái tóc) sont à nu. Le bout des cheveux pendant à partir de la nuque est introduit dans le turban (khăn giài) et enroulé autour de la tête, sauf le bout qui forme une mèche apparente dite queue de coq (đuôi gà);
  11. Tóc mượn, mèche de cheveux postiche;

12 et 13.  Dây Iưng, ceinture;

  1.  Khăn vuông, châle carré, porté sur le turban vu de face (15) et vu de derrière (16). Il était élégant de porter le châle en bec de corbeau (khăn vuông mỏ quạ).

    Le costume de cour comportait le grand costume de cour (đại triệu phục) et le costume ordinaire de cérémonie (thường triều phục).

   Tous deux étaient soigneusement définis jusque dans leurs moindres détails; bonnet (quan); ceinture extérieure (đai) ; robe (bào) à longues manches cachant les mains, occultons manwn in manica, suivant le vieux rituel des Achéménides ; bottes (hia). Les mandarins tenaient en outre dans leurs mains une palette d’ivoire ou de bois laqué, quelquefois ornée d’un miroir (cái hốt). Cette palette servait essentiellement à fixer le regard des dignitaires pendant toute la durée des cérémonies et audiences royales et accessoirement à prendre des notes. Ils portaient aussi une plaque d’ivoire (thẻ bài) indiquant leur grade mandarinat. D’où l’expression áothế (manteau et plaquette) pour habits de cour.

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Fig. 70 — (T.) Les habits des hommes. Đồ ăn mặc của đàn ông.
  1.  Tunique à manches larges (áo thụng tắc);
  2.  Tunique chinoise à pans (áo khách có vạt);
  3.  Tunique à larges pans (áo tràng vạt);
  4.  Tunique à manches courtes (áo chẽn);
  5.  Tunique chinoise ouverte sur le devant (áo khách mổ bụng);
  6.  Gilet sans manche ouvert sur le devant (áo cánh mổ bụng);
  7.  Gilet sans manche à pans (áo cánh có vạt);
  8.  Ceinture (dây lưng);
  9.  Pantalon (quần);
  10.  Bas (bít tất);
  11.  Chausses;
  12.  Turban (khăn);
  13.  Serre-tête;
  14.  Turban enroulé de façon à former dos plis imitant le caractère sur le front.
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Fig. 71 — (T.) Les habits des enfants. Đồ mặc của trẻ con.
  1. Tunique : áo;
  2. Coiffures : các thứ mũ;
  3. Bavette : áo đơn giãi ;
  4. Bavoir : yếm giãi;
  5. Pantalon de garçon : quần con giai;
  6. Pantalon de fille, quần con gái. Généralement il s’agit de pantalon à fond ouvert (quần hỏng đáy);
  7. et 8.  Mèche pariétale en forme de pêche (trái đào) et occipitale (chỏm hoa roi), ornements du crâne rasé des garçons;
  8. et 10.  Mèche frontale (cút trước) et nuquaie (cút sau) [ou chút chuế] caractéristiques des filles.

(à suivre…)

NOTES :
◊  Source:  PIERE HUARD & MAURICE DURAND. Connaissance du Vietnam, p.177-185. Paris, Imprimerie Nationale. École Française d’Extrême Orient, Hanoi 1954.
◊  Les images sont réalisés par le BAN TU THƯ – thanhdiavietnamhoc.com

BAN TU THƯ
06 /2023