Contes et Légendes annamites – Maître Bỉnh
ANTONY LANDES1
Admimistrateur des Affaires indigènes(Extrait des Excursions et Reconnaissances. Contes et Légendes annamites2 Saigon, Imprimerie coloniale 1886, p.178).
Autrefois vivait à Sadec un idiot nommé Bỉnh. Il ne disait aucun mal et fréquentait les lieux où l’on faisait des fêtes funéjaires ou des sacrifices, pour demander des vêtements de deuil. Quand les enfants étaient malades, dépérissaient, on s’adressait à lui, il les caressait et les enfants reprenant leurs forces revenaient à la santé.
Bỉnh vivait depuis longtemps à Sadec, lorsqu’un homme de Mỏ cày, le phủ Phong, fut nommé phủ de Tân thành. Sa mère l’avait suivi. Elle était d’une santé délicate, et, quelques remèdes qu’elle prit, elle ne pouvait se guérir complètement.
Un jour, sa maladie s’aggrava et elle mourut. Cependant il lui restait im peu de chaleur au creux de l’estomac, c’est pourquoi on ne l’ensevelit pas. Au bout d’une nuit, elle revint à la vie, et voici ce qu’elle raconta à son fils : « Des soldats du roi des enfers m’avaient saisie et m’emmenaient. J’étais déjà à moitié chemin, lorsque je rencontrai un jeune homme de seize à dix-sept ans, monté sur un cheval et suivi d’une nombreuse escorte. Il appela les soldats qui m’avaient saisie et leur dit : “ Cette dame est la mère du phủ du lieu que j’habite. Laissez-la aller, et ne la saisissez plus désormais. » Là-dessus, il leur ordonna de me ramener. Je voulais me prosterner devant lui, mais il ne me laissa pas faire et me chargea de vous dire qu’il était le fils du roi des enfers, et qu’il vivait à Sadec sous le nom de Bỉnh. »
Le phủ envoya chercher Bỉnh, mais celui-ci continua à ne faire et ne dire que des folies; il refusa l’argent et les vêtements que lui offrait le phủ. Celui-ci dit : « Ce corps est celui de Bỉnh, mais il est animé par l’âme du fils du roi des Enfers. » Il défendit de l’appeler à l’avenir le thằng Bỉnh ; c’est pourquoi on lui donna dès lors le nom de Maître Bỉnh.
NOTES :
1: ANTONY CHARLES LANDES (1850-1893) fut le premier érudit (dans la seconde moitié du XIXe siècle) à s’intéresser à la collecte et à l’enregistrement des contes populaires vietnamiens. Au XXe siècle, il poursuit ce travail avec Nguyễn văn Ngọc (1890–1942), Nguyễn Đổng Chi (1915–1984), Tô Nguyệt Đình (1920–1988), Lê Hương (1922–1976) et Sơn Nam (1926–2008). Ces personnes ont grandement contribué à éviter l’absurdité qu’un jour au Vietnam ‘il n’y a pas beaucoup de mères et de grands-mères capables de raconter à nouveau quelques contes de fées du pays à leurs enfants et petits-enfants’. LANDES est écrit en français pour que les Français et les Européens puissent le lire, si peu de gens le connaissent!
2: CONTES ET LEGENDES ANNAMITES – Le livre – est écrit par ANTONY CHARLE LANDES – a enregistré des histoires populaires dans le folklore de cette époque – en particulier à Nghệ An – par deux conteurs – un général (devin) et un confucéen (érudit) – tous deux habitants de cette province.
Ce livre comporte deux parties : Partie 1 contient 127 histoires du passé et des légendes enregistrées textuellement à partir de la narration; Partie 2 contient 22 blagues qui sont écrites avec l’essentiel selon le récit. Attachés aux histoires sont des notes dédiées aux Européens pour qu’ils comprennent mieux la culture vietnamienne. Ce livre a été publié par Imprimerie Coloniale, Saigon en 1886.
REMARQUE :
* Les lettes italiques et manuscule, les notes en indice et les images sont réalisés par Ban Tu Thư thanhdiavietnamhoc.com
VOIR SVP :
◊ Ce titre en vietnamienne: Người Chết Sống Lại – Cậu Bỉnh.
BAN TU THƯ
04 /2022